mercredi 23 novembre 2011

Piet en Liesje



Quand j’étais petit, on avait aussi des cours de Langue et de Culture d’Origine à l'école. C’était des cours de néerlandais. C’était d’ailleurs les seuls cours de langues que nous avions. Ca a commencé en 3e année primaire. Je ne me souviens plus du nom du professeur, mais je me souviens qu’il nous faisait chanter ‘Het is tijd mijn vriend Coumbaya’.  Je ne suis pas certain que c’est une chanson flamande, mais nous chantions cela en chœur, après avoir appris qu’en Flandre tous les garçons s’appelaient Piet et les filles Liesje.   Ca a duré comme cela pendant 12 ans… les années de primaire, de secondaire et dans le supérieur.  Je crois bien que pour la plupart de ceux qui comme moi ont suivi ces cours, cela surtout servi à nous dégoûter de cette langue et à nous éloigner de la culture et de la population flamandes.

Moi, ce que j’ai appris des Flamands, je l’ai appris avec Leona, l’épicière de la rue des Quatre-Vents où j’allais acheter mes bonbons, avec Anne-Marie, une amie de ma maman, qu’elle avait rencontrée à la maternité et avec Rodolphe, mon vieux voisin limbourgeois qui s’est suicidé un an après que sa femme mourut.

Les Piet et Liesje, les de et les het, les temps primitifs… tout ce brol n’a finalement servi qu’à faire baisser notre moyenne et à penser que les Flamands étaient aussi vieillots que le jésuite qui nous donnait cours… J’ai mis du temps à savoir que les Flamands écrivaient, je veux dire qu’il y avait des écrivains flamands. On lisait des bouts de textes, mais jamais de livres et jamais de journaux.  Cela a pris du temps pour que je me rende compte qu’il y avait des écrivains importants – traduits en français, mais en France -  et des journaux qui racontaient le monde d’une autre manière, pas forcément plus idiote que la nôtre.

Apprendre une culture et une langue, cela passe par la rencontre avec des gens, par des moments passés avec eux. C’est la seule manière d’éviter de ne visiter que des musées ou de feuilleter le catalogue de la Redoute des idées toute faites sur qui est et sur ce que fait l’Autre.  Le français, ma langue maternelle, et la culture française (ou francophone) je les ai appris au contact de ceux qui m’entouraient, pas dans les livres, pas à l’école.  Les livres sont venus plus tard ; sinon, j’aurais pu croire que tous les garçons s’appelaient Marc et les filles Martine.

Avoir envie d’apprendre une langue et une culture, c’est avoir envie de rencontrer et de connaître des personnes, sauf pour l’anglais et le chinois qu’on apprend pour chanter des chansons et pour faire du fric. Alors autant faire cela dès les premiers jours, dès les premiers pleurs, entourez vos enfants de sons et de mots qui ne sont pas les vôtres, ça sera toujours ça de gagner sur l’agacement qu’on peut ressentir à l’écoute de tous les sabirs qu’ils rencontreront plus tard ; et tant qu’à faire, ces personnes, plutôt que d’aller chez elles, invitez-les chez vous, vous verrez ça ne mord pas et ça ne mange pas de pain. Quoique.

Ce billet passera le samedi 26 novembre à 15h dans l'émission BabelOndes (Radio Campus)

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