jeudi 28 avril 2011

Mariez-vous qu’ils disaient

 
Que les choses soient claires, je ne vous parlerai pas de ma vie sentimentale, ni de ma vie amoureuse, encore moins de ma vie sexuelle. Ni même de ma vie d’ailleurs, ça n’intéresse personne, même pas moi. Je vais vous parler de celle de mes parents. Comme ils sont morts, je ne prends pas beaucoup de risques.  Oui, c’est vrai, comme la plupart des enfants issus de l’immigration, je suis un peu lâche. Enfin, c’est ce qu’on dit.

Mes parents donc. Lui arrivé des Pouilles. Elle sortie du Pays noir. Comme l’aurait dit un comique devenu Président de la France, on a fait mieux comme entrée dans la vie. Mais chacun ses bagages.  Lui macaroni. Elle baraki.  Un couple mixte en apparence. En apparence seulement. Je crois qu’ils étaient faits pour se rencontrer, pour s’aimer le temps qu’ils pourraient, accueillir les enfants qui leur sont arrivés.

Ce qui aujourd’hui semble banal, les couples bigarrés, ne l’était pas il y a 60 ans.  Ma mère était avec un Italien.  On les regardait.  On les jugeait.  On ne leur a rien passé. .  Mon père est resté l’Italien jusqu’à la fin.  Drôle d’histoire.

Je ne me suis jamais demandé s’ils s’aimaient.  Moi, j’avais des parents.  Nous vivions ensemble.  Nous étions une famille.  Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.  Je n’en sais pas plus.  Et quand bien même il me serait venu à l’idée de poser la question, je ne crois pas qu’ils m’auraient répondu.  L’amour, je ne m’en préoccupais d’ailleurs pas.  Je ne sais pas à quel âge je me suis senti concerné, mais cela a dû être tard, vers 5  ou 6 ans.  Et quand cela m’est tombé dessus, je me suis débrouillé, je n’ai rien demandé à personne.

Comme dans toute nouvelle expérience, on procède par essai et erreur.  J’ai pas mal expérimenté.  Et j’ai fini par trouver.  Une Espagnole.  C’était il y a longtemps.  Et en ces temps reculés, l’Espagne n’était pas dans l’Europe et les Espagnoles, aussi jolies et sympathiques fussent-elles, ne pouvaient pas rester en Belgique comme elles le voulaient.  Alors, oui, je l’avoue, nous nous sommes mariés pour qu’elle reste.  On a arrangé ça en deux temps trois mouvements. Papiers à la clé.  Et quelques temps plus tard, nationalité belge en prime. La totale.  Le cauchemar des lecteurs de la DH.   Mais que voulez-vous, c’est une affaire de famille, on refait le coup à chaque génération.  Et tant que ça fonctionne, autant en profiter.

Enfin, profiter... je me comprends... mixte ou pas, arrangé ou pas, d’amour ou pas... une vie de couple, faut le vouloir... c’est pas Disney Channel tous les jours, alors, peu importe la raison pour laquelle on s’embarque dans un truc pareil, moi je dis bravo ! Je le dis même aux deux british tourtereaux qui vont tenter le coup dès samedi. Pas sûr qu’ils ont vraiment choisi et qu’on ne leur force pas la main, mais soit, je dis bravo !!

Voilà, comme promis je ne vous aurai pas parlé de ma vie sentimentale, ni de ma vie amoureuse, encore moins de ma vie sexuelle. Quoi que.

Ce billet passera samedi 29 avril dans BabelOndes sur Radio Campus 92.1 à 12h 

jeudi 21 avril 2011

...only when you dream


Mardi soir, Lisa Germano était au Botanique. Chaque fois qu'elle passe par ici, je vais la voir et l'écouter.  C'est ce que l'on appelle une vieille histoire d'amour.  

Il y a bientôt 5 ans, c'est elle que nous avions choisi pour terminer la messe de funérailles de notre petite soeur.  Nous avions choisi ...to dream : Don't give up your dream / It's really all you have / And I don't wanna see you die... 

Quand c'est arrivé, on ne savait pas, on a imaginé bien faire, on a espéré que cela lui aurait fait plaisir, on est allé chercher ce qui nous touchait, ce qui l'aurait touchée... Je ne sais toujours pas si l'on a bien fait. 

Chaque fois que Lisa Germano passe à Bruxelles, je vais la voir et l'écouter, j'attends qu'elle chante to dream et je pleure.

mercredi 13 avril 2011

Plan cul


Ce sont parmi les lectures que je préfère.  Aucune toilette publique n'a de secret pour moi, je les visite toutes, rien que pour lire ce que certains y écrivent. D'accord, ça parle de cul, de cassage de gueule ou de foot (je ne connais pas les toilettes dames, mais j'imagine que hormis le piedballe, c'est la même chose), mais j'aime ça, le cul, la baston et le foot.  Cependant y'a beaucoup moins à lire qu'avant, du temps où j'avais 20 ou 30 ans.  On efface davantage les messages et puis, il y a internet... Du coup, les toilettes publiques sont moins drôles, moins poétiques, moins excitantes.

samedi 9 avril 2011

Argentina!!!



Hier soir, il y avait le Cuarteto Cedron au Théâtre Molière, concert organisé par l'excellent Muziekpublique. Ce fut un bon concert. Pas exceptionnel, mais bon et ma foi chaleureux.  C'est que je suis partial quand ça concerne l'Argentine, les Argentins et les Argentines.  Ca remonte à loin.

Argentina ! Argentina ! Argentina !!  Des cris, c’est la Coupe du Monde de football de 1978.  Elle a lieu en Argentine.  Argentina !! Argentina !! C’est ma deuxième coupe du monde.  La première c’était en 1974 et c’était en Allemagne.  J’avais 13 ans.  Avant, j’étais trop petit pour regarder la télévision. D’ailleurs, je me demande si nous en avions une à cette époque. Il me semble pourtant revoir Pelé et le Brésil qui battent l’Italie. Je ne sais plus. Argentina !!! Argentina !!! Il fut beaucoup question de la dictature militaire qui sévissait toujours.  Presque plus que des matches.  Je n’y comprenais pas grand chose.  Je n’avais d’yeux que pour l’équipe au maillot rayé blanc et bleu céleste.  Kempes, Fillol, Ardiles...  De grands et rudes gaillards qui empilaient les buts.  Ils furent champions du monde. 

Je me souviens aussi d’un reportage sur ce pays qui au début du XXe siècle était la 5e puissance mondiale.  On y voyait Buenos-Aires. On voyait des gratte-ciel, des hommes en costume impeccable, des femmes très belles. Aaaaah... ce nom Buenos Aires... il y a des mots, des noms qui font rêver, Buenos-Aires me fait rêver.

Il y a eu le voyage de mon ami Gianni qui y est allé pour y rencontrer de la famille pour la première fois.  A son retour, il m’a raconté les quartiers italiens de Buenos-Aires.  Il m’a raconté les jours passés  dans la Pampa.  Il m’a raconté les parrilladas, où l’on mange des steaks grillés épais comme ça.

Il y a eu Laura.  Elle venait de Rosario, l’autre grande ville d’Argentine. Nous étions au cours du soir ensemble.  Elle m’a raconté la fuite du pays.  Elle m’a raconté l’arrestation et le meurtre de son mari.  On se voyait souvent.  Un soir, il y a du monde chez elle.  Des Argentins, encore et encore.  Ils se passaient une sorte de petite bombe, la bombilla, terminée par une pipe, dans laquelle on verse de l’eau chaude, chacun son tour aspire à la paille-pipe, et on reverse de l’eau bouillante dès qu’elle manque .  Je découvrais le maté, un thé assez fort, mais surtout un fameux moment de convivialité.

Il y a eu Patricio.  Il était jaloux.  J’essayais de charmer Beatriz.  Il ne le supportait pas, mais marié, comme je l’étais, il ne pouvait rien dire, alors, quand, le dimanche, nous jouions au football entre potes , il s’arrangeait pour jouer contre moi et me filer quelques coups de pieds et bourrades.

Il y a Jorge Luis Borges. Il y a Julio Cortazar.  Et il y a surtout Alfredo Bioy Casares.  Des écrivains argentins qui m’ont fait découvrir l’envers des choses, le monde tel qu’on ne le voit pas.  Pour moi, l’Argentine ça doit être comme  ça.  Un pays étrange et magique.  Un pays où l’on n'arrive jamais vraiment.  Un pays qui se dérobe, qui s ‘efface.  Un pays où l’on s’enfonce comme dans une pâte trop molle.

L’Argentine... je dois bien en rêver depuis des milliers d’années ou plus.  J’irai un jour.  Je sais que je partirai un matin, comme ça, sans y rien dire à personne.  Je me vois marchant dans les grandes avenues, je marcherais jusqu’à être épuisé.  Je m’arrêterais dans un bar.  De préférence petit, avec beaucoup de monde.  Je demanderais un verre de vin et quelque chose à manger.  Et là, j’observerais les autres.  Je fixerais cet instant dans ma mémoire et je m’en rappellerais le reste de ma vie.

Je n’aurais rien emporté avec moi.  Un peu d’argent.  Des cartes de crédit.  Mon appareil photo. Un stylo.  Mon ordinateur portable.  Le reste, je l’achèterai là-bas.  Des vêtements. Du papier. Des livres.  Je n’ai aucune idée d’où je dormirai.  J’imagine que cela dépendra de la richesse dont je disposerai.  J’ai envie d’un endroit confortable, marqué par le temps où viennent des habitués.  J’ai envie d’un endroit où des anciens me raconteraient leur histoire.  J’irais dans les quartiers italiens.  J’irais manger des pâtes et des pizze qui auraient été transformées en plats locaux.  Je chercherais, à tout hasard, des Bortolini qui vivraient par là.  Je prendrais place sur un banc et j’observerais les enfants jouer, les amoureux se faire des promesses.  J’enverrais des lettres pour dire comment je vais.  J’enverrais des mails pour rester au contact du monde. Je me ferais peut-être des amis.  Je tomberais peut-être amoureux une dernière fois.  Je ne sais pas combien de temps je resterais.  Je ne sais pas si je repartirais.  Mourir en Argentine, à Buenos-Aires ou ailleurs, ce ne serait sans doute pas plus mal qu’ici.