dimanche 31 octobre 2010

En route vers l'oubli


Il avait été décidé que les cimetières seraient supprimés. Après une période de désarroi, les habitants du quartier s'étaient réunis pour trouver une alternative au "Chaque citoyen sera désormais responsable des membres de sa famille décédés. Il lui incombera de prendre les mesures nécessaires pour gérer les désagréments éventuels qu'un tel événement entraîne. Toute contravention à cet impératif d'hygiène et de santé publique sera sévèrement punie" qui se trouvait en gras et souligné dans le courrier laconique et impersonnel que chacun avait reçu.
Après quelques heures, Monsieur Paul avait proposé d'enrober les défunts dans le plâtre et de les représenter dans une situation qui rappelleraient qui une particularité, qui un événement.
Il fut décidé d'utiliser les anciennes galeries commerciales souterraines désaffectées pour en faire une sorte de mausolée - un Musée de Madame Tussaud macabre avaient prétendus certains - où chacun pourrait venir à sa guise. Sourires et applaudissements clôturèrent la rencontre.

jeudi 28 octobre 2010

J'irai chanter comme Paul Louka



Les musiques du monde... quelle drôle de bazar quand même... Beaucoup l’on déjà dit, c’est une catégorie fourre-tout où l’on met ce qui ne trouve pas sa place ailleurs... Mais bon, moi quand j’entends musiques du monde je pense aux pizzerie et aux snacks pitta.  C’est à croire que quitter son pays vous transforme comme par enchantement en pizzaïolo ou en joueur de djembé.  Bon, c’est vrai que ça peut passer... on mange des pizzas surgelées imaginées par un docteur et on se pâme devant trois notes qui tournent en boucle quand elles sont mixées par un DJ... alors, je crois que ça peut passer.  Et pourtant, c’est chiant le djembé... à croire qu’effectivement ils n’ont que le rythme dans la peau... même si ceux/celles qui se trémoussent sur cette ribambelle de battements vous diront que non, qu’ils aiment cela...  J’ai un léger doute...

L’autre jour, j’étais dans une fête-brocante, dans une commune de la périphérie de Bruxelles.  Ce genre d’endroit où l’on trouve de tout pour presque rien.  On y vendait des sandwiches boudin, des vélos, des fleurs de saison... de l’ethnique local quoi... et il y avait trois Africains – enfin je dis Africains, mais j’en sais rien finalement... – des Africains donc, qui tapaient comme des sourds sur leurs djembés... c’était pour faire exotique sans doute... sinon, pourquoi les avoir mis là? C’est un peu comme les Indiens que l’on voit dans toutes les villes touristiques avec leur tenue d’apparat. Voilà des Boliviens qu’on prend pour des Sioux qui jouent en boucle une espèce de soupe new-âge produite à Munich au fond d’une cave aux vagues relents de bière plate.  Quel sens cela peut-il avoir ?

On pourrait franchement inverser les rôles. Je vois bien des Brabançons pure laine enfiler leurs plumes, se mettre souffler dans une flûte de pan et aller jouer des incantations à la pluie sur un marché de La Paz.  Ils auraient certainement un succès de foule.  Enfin, je m’avance peut-être... parce que vu de La Paz, c’est quoi les musiques du monde ?  On y sera sans doute plus surpris d’entendre Julos Beaucarne et son joli pull bariolé qu’un groupe de hard-rock brésilien vociférant dans un anglais de supermarché... Allez c’est décidé quand je partirai loin, là-bas au bout du monde, je ferai marchand de frites ou je chanterai du Paul Louka, c’est sans doute ça que font les Belges quand ils vivent loin d’ici.

(Ce billet passera sur Radio Campus samedi 30 octobre entre 15h et 16h dans l'émission BabelOndes)


mardi 26 octobre 2010

Oooh Signore!



Nous sommes à Rome depuis deux heures.  Nous avons laissé nos bagages et sommes sortis pour découvrir la ville. Nous passons il Ponte Palatino. Quelqu'un m'appelle. Signore!! Vieille Mercedes. L'homme, la soixantaine brillantinée, se débat avec une carte. Je m'approche. Non sono di qua... Cette révélation ne le démonte pas. Il me demande dans quel sens il doit aller pour quitter cette foutue ville. Voglio ritornare a Milano!! Je lui dis qu'aller dans l'autre sens me semble une meilleure idée. Il sourit. Francia? Parigi? Non Bruxelles....Aah la Belzique... Ho des z'amis à Lièz. Il me regarde. Lei è molto sympathique. Sono rapprèsentant per Armani. Il me tend une vieille farde avec de vieilles photos avec de vieux mannequins portant des vêtements des années 1990. Je regarde... hum hum... Lei è molto simpatico. Ecco zè vou donne questa bolsa a la damoizelle - il donne une copie de je ne sais quel sac de marque à Emma,  fille 12 ans, - è per Lei, ecco qua un giubotto vero cuoio. Je prends un épais blouson de cuir noir. Ugo,  fils de 10 ans, regarde tout cela avec cette ironie que nous partageons. Ecco... Signore, la mia carta bancaria non va. Zé doit ratourner à Milano. Lei mi da un po di soldi? Je le regarde. Il me regarde. Je lui tends 10 euros. Ma come!!!??? Questo è cosa di niente... aussi vite donnés, aussi vite rendus, le sac et le giubotto regagne la banquette arrière. Il démarre et nous laisse avec un joyeux Ma và fanculo!!!

 

vendredi 22 octobre 2010

C’est là que je vais boire mon verre !



Cela se passe dans le tram.  Un samedi, un début de soirée.  Il y a peu de monde.  Quand c’est comme ça, on a vite fait d’avoir l’impression de se connaître.  A 5 ou 7, ce n’est pas compliqué.  Et on regarde vite celui qui monte qui comme un intrus, qui comme un potentiel pote.  Arrêt Churchill, ils montent à trois.  Ils rigolent.  Bonne humeur de début de soirée.  On papote. On met un peu d’ambiance.  On se lance dans un concours de grimaces.

C’est là que je vais boire mon verre !  Celui qui les apostrophe est assis.  Rond, souriant de gauche à droite et emmitouflé comme par -20°.  Ils le regardent, sourient, auraient envie de se moquer, mais il poursuit. C’est là que je vais boire mon verre ! Pas à côté hein, pas à côté. A côté c’est trop cher, c’est deux euros cinquante. Et moi, je paie un euro vingt où je vais. C’est cher à côté. Et c’est pas malin de demander deux euros cinquante.  Il les regarde, toujours aussi rond, toujours aussi hilare.  Ils font hum hum du bout du nez.  Mais oui, c’est pas malin, c’est la même bière, du coup, j’y vais pas à côté, c’est trop cher, moi je paie un euro vingt, c’est là que je vais boire mon verre ! Ils ont perdu un client hein, c’est pas malin ! Il les regarde rond et hilare qui se dirigent vers l’autre bout du tram. Non, c’est vraiment pas malin !

lundi 18 octobre 2010

Connard



Repas du soir, c’est  le moment des discussions, savoir comment s’est passée la journée, écouter distraitement les nouvelles des écoles respectives.  J’écoute un peu plus attentivement.  Le plus petit parle.  Cela se passe en fin d’après-midi.  Dans une école primaire. On joue dans la cour.  Et alors, il y avait un de 4e qui arrêtait pas de frapper les filles.  Qui ça ? demande la plus grande. Tu le connais pas, c’est un nouveau. Et alors ? Ben, il continuait. Et vous ne faisiez rien ? Oui oui, on lui disait d’arrêter, mais il continuait. Et alors, il y a I. qui lui a dit que ça allait comme ça. Et alors, l’autre, il l’a poussé. Alors I. il l’a repoussé. Et tu sais, le papa du garçon était arrivé et il est arrivé chez I. il l’a pris par le bras et il a dit Toi sale Arabe, tu touches à mon fils, je te tue ! Tu t’imagines,  son papa il est policier ! tu t’imagines un policier qui dit ça à un enfant de 10 ans ! Il est bête ! Ben oui, c’est ce qu’on a dit à I. quand il est parti.


vendredi 15 octobre 2010

Tram de l'histoire



« Moi, dans le tram, je plains ceux qui ne lisent pas…» C’est Ariane Lefort, grand auteur belge,  qui dit cela dans une interview à l’occasion de la Fureur de lire.  Alors sans doute est-ce normal d’insister sur l’importance de lire.  Je ne peux m’empêcher de penser à ceux qui ne savent pas lire, à ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir un livre,  à ceux qui sont éreintés par leur journée de travail et qui n’ont pas la tête à ça, à ceux qui ont peur de l’écrit, à ceux que l’idée de bibliothèque ou de librairie effraie, … Cela m’a fait penser à mes 14 ans.  A la télévision, j’avais entendu parler de Socrate.  J’avais eu envie de lire.  J’étais allé dans une librairie et j’avais demandé « Monsieur, je cherche les livres de Socrate ».  Il avait souri.  Il m’avait regardé. « Socrate n’a rien écrit. »… et il s’en était allé… Je me suis senti idiot.  Je suis parti, rapidement, un peu honteux et je ne suis jamais retourné dans cet endroit.  Sans doute aurais-je commencé à lire Socrate dans le tram… si…
Dans le tram (ou le bus ou le métro ou le train) moi, je ne plains personne ; ou alors tout le monde pour les conditions dans lesquelles nous voyageons, mais c’est une autre histoire ; ce que j’aime ce sont les gens qui parlent, les gens qui rient, j’aime ces histoires partagées.




mercredi 13 octobre 2010

M... l'Enchanteresse


Le repos forcé se prolonge.  Je continue de passer du divan au canapé. Dormir et  lire.  J'ai beau avoir plus de livres que je n'en lirai, peut-être, jamais; car je mourrai demain qui sait; je n'ai pas celui qu'il me faut, là, tout de suite.  Passage obligé par la case librairie. Ce sont les mains de Manuel F., une des femmes qui a le plus compté dans ma vie. Elle est libraire chez Tropismes. Nous nous connaissons depuis 25 ans au moins. Nous ne nous voyons que là. Nous nous vouvoyons depuis le début ; il y a longtemps, un tutoiement de 3 minutes nous fut pénible à tous les deux, alors c’est le Vous qui continue de nous relier. Elle ne le sait pas, mais Manuela a plusieurs fois changé ma vie. Comme certains, quand cela ne va pas fort, je vais chercher la consolation dans les livres, dans les mots, dans les histoires. Il me suffit de dire que je voudrais soigner un mal d’amour, que je voudrais avoir moins peur le soir en fermant les yeux, que j’aimerais aller sur la Lune… et telle Merline l’Enchanteresse, elle me trouve la potion de mots qu’il me faut. Elle m’a fait découvrir Annie Dillard. Elle m’a fait découvrir Raymond Carver. Elle m’a permis de rencontrer Erri de Luca. Sans elle ma vie serait moins belle. Sans elle ma vie serait moins dense. Sans elle, je serais cynique. Grâce à elle, je suis simplement désespéré.

jeudi 7 octobre 2010

Sur la photo en bas à gauche




Il ne manquait plus que ça... et dans le journal encore bien.  Je me disais, mec si t’as pas trouvé de quoi remplir la grande gueule de ce connard d’inspecteur avant demain matin, gare à tes fesses.  Et bien là, j’avais de quoi lui clouer le bec que même à ‘SOS Répar’ ils pourraient rien pour lui.  Il est là le putain d’indice, dans le papier de ce fouille merde de Durieux – enfin pas dans l’article, ça tout le monde s’en fout – c’est sur la photo, en bas à gauche, le miroir de l’armoire, on y voit un gant.  D’accord, faut bien regarder, mais c’est pas croyable, les mecs de la boîte, ils ont mitraillés tout ce qui ne bougeait plus, à commencer par cette pauvre vieille à qui on avait mis la tête sous le paillasson en appuyant bien fort pour être sûr qu’on la trouverait pas, et bien pas un seul cliché qui montrait de gant à quatre doigts.  Comment ont-ils pu rater ça ?

Cinq jours qu’on s’est cassé le cul pour trouver quelque chose, résultat : que dalle !  et l’autre ignoble qu’arrêtait pas de gueuler que si samedi on avait rien, on allait voir.  Tu parles… Je vais la lui mettre dans la gueule moi l’armoire et la main avec !

Faut dire, pour être de bon compte, que Conchita, elle nous a pas facilité la tâche.  Imaginez.  Elle entre dans la chambre, elle trouve la vieille la tête en forme de crêpe bretonne et qu’est-ce qu’elle nous fait ??? elle range, elle frotte, elle astique, elle pomponne, elle désodorise, elle refrotte, elle essuie.  Plus rien qui nous restait, encore un peu elle reperruquait la vieille qui ni vue ni connue aurait terminé sa sieste sans plus être dérangée.  Et nous on la regardait faire, on en revenait pas… du jamais vu.  C’est quand elle nous a demandé si on voulait bien sortir, le temps qu’elle passe l’aspirateur qu’Antoine, ça l’a contrarié.  Il lui a mis une droite tellement droite qu’à côté d’elle, la vieille avait tout à coup l’air plus sympathique. 

Mais ça n’a pas duré.  Pensez, ça faisait bien cinq heures qu’elle devait chercher sa tête sous le paillasson, et à cet âge là, vous savez ce que c’est, on ne retient plus tout ce qu’on veut.  Alors, épuisée, elle a tout lâché.  Tout est parti.  Tout je vous dis, et nous aussi.  On n’en pouvait plus, j’sais pas ce qu’elle avait bouffé la vieille, mais jamais je donnerais ça à mon chat, jamais.  Enfin, on est sorti en gueulant bien de toucher à rien, surtout à Conchita ; mais pour être sûr Antoine a balancé l’aspirateur par le fenêtre « On sait jamais ! » qu’il a dit.  Personne a relevé.  Il est comme ça Antoine, quand quelque chose n’est pas à sa place, il balance.  La dernière fois, c’était chez Gino, le bar où on rallonge nos journées quand elles sont trop courtes.  Y’avait un type qu’arrêtait pas de chanter.  Ca n’a fait ni une ni deux, il lui a mis la tête dans le juke-box, entre Frank Sinatra et Dario Moreno.  A sa place, j’aurais pas été à mon aise, pensez, le type c’était plutôt le genre Parsifal qui le branchait, rien à voir avec Sinatra ou Moreno.  J’y connais pas grand chose, mais Parsifal, on m’a dit que c’est l’histoire de la quête du Graal, et bien le type, on peut dire que la coupe elle était pleine et qu’Antoine, ben c’était la grosse goutte qui l’a fait déborder.

Soit, on avait donc laissé les deux femmes se remettre de leurs émotions.  Quand on est revenus, la vieille, ses esprits, elle les avait définitivement perdus.  Conchita, par contre, émergeait dans une confusion toute ibère, à laquelle personne ne comprenait rien – mais bon on s’est bien douté que c’est sur nous qu’elle gueulait.  Pour plus avoir à l’entendre, on lui a dit de partir.  Et on a continué notre boulot pépère.

Les gars du SAMU sont arrivés peu après, et ils ont embarqué la vieille.  C’est là qu’on s’est dit qu’on aurait du attendre avant de renvoyer Conchita, parce que la vieille, dans son état, elle a pas pensé à emmener toutes ses affaires, et on peut dire qu’elle était dans de sales draps.

Si je vous ai parlé de Gino, c’est pas pour l’opéra.  Dans son bar, à Gino, on peut dire que s’y arrête tout ce qui a de plus louche dans cette ville.  Pensez, il est à 50 mètres de la prison, alors ça défile.  Antoine et moi, on y passe souvent.  On prend les paris sur le prochain qui fera une connerie et qui se fera prendre.  On peut dire qu’y en a qu’on pas de chance, aussitôt sortis aussitôt ils replongent.  Question de style sans doute.

Un jour Antoine, il a eu une idée.  Il a demandé à Gino ; enfin demandé, maintenant que vous connaissez Antoine, vous aurez compris que c’est pour la forme ; il a demandé d’installer des caméras pour pouvoir repérer  des louches et surtout leurs potes qu’ont encore rien fait mais que ça ne saurait tarder.  Gino, qui connaît le pedigree d’à peu près tous ceux qui posent leurs fesses dans son bar, note les noms de ceux qui sont passés, il est serviable Gino, mais il a pas de mémoire, alors, comme la dernière fois qu’il a hésité pour un nom, Antoine lui a demandé d’accélérer le débit à coup de tabouret,  il note, c’est mieux comme ça qu’il a dit.  Comme ça on sait qui travaille avec qui, ça aide pour les paris.

Vous allez pas me croire ... le seul gars dans le coin qui a quatre doigts, vous savez qui c’est?  Le frère du patron !! Un ex-taulard un peu maniéré qui se fait tout faire sur mesure, même ses gants… 5 doigts à l’un et 4 à l’autre… quand je vous disais que j’allais la lui murer moi sa grande gueule !!  Mais d’abord, faut que je parie avec Antoine, parce que ce coup-là, il pourra jamais trouver.


mardi 5 octobre 2010

Cent seize balles et quelques




Une semaine à la maison. Repos. Je pense à ‘Une semaine de vacances’ film de Bertrand Tavernier, du début des années 1980.  Nathalie Baye, jeune enseignante, craque.  Elle a une semaine de repos.  Elle en profitera pour faire le point.  Voir ceux qu’elle n’a plus vus depuis longtemps.  Pour moi, aucun point à faire et personne à voir, ils sont quasiment tous morts et les autres, c’est pas la peine.  Alors je passe d’un canapé à l’autre et je lis. ‘Cent seize Chinois et quelques’, roman de Thomas Heams-Ogus me bouscule. Par l’écriture d’abord. Par l’histoire aussi. Il raconte l’épisode méconnu de l’internement de cent seize Chinois et quelques, sur ordre du gouvernement fasciste, dans les Abruzzes. Cela me fait penser à mon père (à droite sur la photo), cela me ramène à ses histoires de feu et de sang, où ce gamin, il avait vingt ans, tâchait de sauver sa peau comme il le pouvait.  Il a tué. Il a déserté. Il s’est caché. Il en parlait peu.  Je ne crois pas que ce soit, seulement, parce que ça ne l’intéressait pas, mais  parce qu’il était du mauvais côté et que cela aurait été malvenu d’en parler. Les cent seize Chinois et quelques ; l’ensemble de la communauté chinoise dans l’Italie mussolinienne ; deviennent du jour au lendemain des indésirables. « Mais un jour l’idée simple et peut-être enivrante de rassembler en un lieu tous les Chinois d’Italie, quelques dizaines, germa. Ils ne menaçaient personne, mais ils étaient les ressortissants d’une puissance ennemie, une parmi tant. C’était leur seul crime, ils devinrent des cibles.  On les traqua mais sans conviction particulière, sinon que du jour au lendemain on avait décidé qu’ils ne pouvaient pas ne pas être traqués. »  On peut penser à d’autres groupes qui subissent aujourd’hui des décisions semblables.  L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs et par les puissants. Heureusement il reste les écrivains.


http://www.dailymotion.com/video/xe2x1d_lecture-par-t-heams-ogus-cent-seize_creation




samedi 2 octobre 2010

Ma Tante


Ce matin, un détour par la case docteur m’a fait passer devant ‘Ma Tante’, l’autre nom du Mont de Piété. C’était fermé. Ce vendredi, c’est vente de bijoux et de pièces d’orfèvrerie. Je connais bien l’endroit.

Je dois avoir 6 ou 7 ans quand j’y entre pour la première fois. Je suis avec maman. Elle me demande de lire les indications. Je déchiffre, suffisamment bien pour qu’elle trouve son chemin dans ce vaste bâtiment. Elle va vers un guichet. Je la suis. Elle sort de son sac une série d’objets. Un monsieur les prend, les regarde et dit un chiffre. Maman parle un peu avec lui, puis elle a l’air triste. Il lui donne un papier. Je n’ai pas mes lunettes, dit-elle. Elle m’appelle. Je déchiffre, suffisamment bien pour qu’elle reste triste. Elle signe le papier. Le monsieur lui donne de l’argent.

Je retournerai quelques fois dans ce vaste bâtiment. Maman n’a jamais ses lunettes avec elle. Alors, je lui lis les documents qu’on lui demande de signer. Peu à peu, j’ai vu le mépris qu’il y avait dans les yeux de celui ou celle qui l’écoutait à peine. Je ne l’ai jamais oublié. C’est peut-être là que ça a commencé. L’autre jour, après avoir lu une partie de mon manuscrit, quelqu’un a dit Tu es un misanthrope. Je trouve que c’est un joli mot pour dire la haine que j’ai pour les gens.