mercredi 29 septembre 2010

Acceptez-vous de prendre pour époux...



Ah le mariage… Bien entendu, on vous dira que c’est surfait, que c’est dépassé, qu’aujourd’hui on ne se marie plus, blablabla et reblablabla.  Et bien moi, je dis que si le mariage n’existait pas, pas de scènes mémorables dans Voyage au bout de l’Enfer, Quatre mariages et un enterrement ou Le mariage de mon meilleur ami.  Vous avez pensé à ça ? Hein, vous y avez pensé ?

Je n’avais pas ça en tête le 20 mars dernier quand ma fille s’est mariée.  Plus le mariage approchait moins je me sentais concerné.  C’était une étrange sensation.  Quelque chose clochait. Mais je ne savais pas quoi ? La veille du jour du passage devant le Bourgmestre, j’avais assisté à la fête des hommes. J’y avais assisté sans vraiment prendre part à la fête. J’étais dans mon lit vers minuit. Le lendemain, je savais que la fête des femmes m’était interdite. Après le passage à la Maison communale, nous avions fêté son anniversaire. Elle s’est mariée le jour de ses 20 ans.  Au même endroit et le même jour où 28 ans plus tôt, sa maman et moi nous étions mariés… Et puis, elle était partie avec K pour la séance photo, et ensuite ils iraient à la salle, pour la fête où je n’avais pas ma place.  J’étais parti, un peu sonné. J’avais été dans le centre-ville et j’avais fait les magasins, achetant des vêtements, besoin de compenser sans doute. Le soir, j’étais resté seul, un peu plus sonné encore.

Depuis 20 jours, elle est divorcée.  Elle s’est tue jusqu’à quelques jours après le mariage.  En Espagne, où elle était partie avec sa maman, elle a vidé son sac, elle avait peur, il était violent, elle ne voulait pas rentrer.  Un volcan islandais est venu à son secours, elle a eu un peu plus de répit.  Elles sont revenues. On s’est expliqués.  On a mis en marche la procédure. Elle est restée mariée 6 mois.


lundi 27 septembre 2010

Kashipour



Chaque matin, c’est avec elle que je déjeune.  Elle me fait face.  C’est récent entre nous.  Avant, dans mon ancien chez moi, elle restait dans le salon.  Après quelques années de vie commune, je lui ai proposé de me rejoindre dès le matin.  Elle n’a rien dit.  Alors, depuis quelques mois, elle me regarde silencieusement, pendant que je bois les premiers cafés de la journée.

C’est Kashipour qui me l’a offerte.  C’était dans les années 1990.  Il avait fui l’Irak de Saddam Hussein.  Il était venu me trouver pour voir comment nous pouvions l’aider.  Sa demande d’asile avait peu de chance d’aboutir.  Vivre en Irak, selon certains, n’était pas dangereux.  Kashipour sortait de l’Académie des Beaux-Arts.  Nous avions convenu d’une exposition.  Il avait débarqué avec une dizaine de toiles. Nous avons sympathisé.  Dans l’espoir de recevoir une réponse favorable, il continuait de peindre, la journée les couloirs de l’hôpital Saint-Pierre, le soir chez lui.  Nous avons décroché les toiles après deux mois.  Nous nous sommes perdus de vue. Et puis, un jour il est arrivé avec elle. Maximo, c’est pour toi.  Je parte.  Je quitté la Belgique. Je va l’Amérique, chez un cousin.  Nous nous étions salués, nous promettant de rester en contact.  Cela fait plus de dix ans.  J’espère qu’il va bien.


dimanche 26 septembre 2010

This is the end



Z’étaient chouettes les filles du bord de mer.. . zouin … zouin… zouin…

Le duo est au point.  Paul lance la première strophe et Johnny suit. C’est leur manière de faire.  Ils ne se parlent pas.  Le matin, ils arrivent au hangar où sont stockés les panneaux d’interdiction de stationner.  On leur donne la liste où les déposer et ils partent pour leur tournée.  Ils ne se parlent pas.  Dès le premier arrêt, Paul fredonne le début d’une chanson et Johnny le rejoint.  Cela dure depuis deux ans. Quand on les voit, on peut penser qu’ils sont amis.

C’était il y a deux ans.  Paul et Johnny ne travaillaient pas ensemble. En tout cas, pas aux mêmes heures.  Ils se croisaient, se saluaient, parlaient des matches du week-end. C’était tout.  Et puis, il y avait eu le pot de fin d’année.  Tradition du service.  Martine avait tout de suite plu à Johnny.  Paul, trop occupé à boire, n’avait rien remarqué. Martine et Johnny se voyaient tous les jours.  C’est Chantal, la téléphoniste, qui avait dit à Paul de faire attention.  Il n’avait pas compris.  Elle lui avait alors conseillé de retourner chez lui.  Il avait ouvert la porte et les avait entendus rire.  Il était reparti. Il savait où Johnny habitait.  Il avait forcé la porte.  Il avait saccagé l’appartement, avec soin, ne laissant rien entier.  Puis, il était retourné travailler.

Le lendemain, il était resté chez lui. Je suis en congé avait-il répondu à Martine qui s’inquiétait qu’il ne parte pas.  Elle était sortie.  Lui avait dormi jusqu’à tard dans l’après-midi.  Il était allé à l’entrepôt.  Il avait demandé à travailler avec Johnny.  Cela prendrait quelques jours, mais c’était possible.  Il était resté ces quelques jours chez lui. Le premier jour de leur tournée ensemble, Paul n’avait pas dit un mot à Johnny.  Au moment de se quitter, Paul avait donné à Johnny quelques touches du clavier de l’ordinateur qu’il avait fracassé chez lui.  On pouvait en faire ce qu’on voulait, M O R T était une possibilité.

Le matin du second jour, Paul avait mis les choses au point.  On va jouer.  Si tu perds t’es mort.  Les règles étaient simples. Paul lancerait la première strophe d’une chanson et Johnny suivrait.  Ce serait la manière de faire.  Cela dure depuis deux ans.  Deux ans, c’est le temps que Paul s’était donné pour pardonner, oublier ou s’en foutre.  Mais non.  Rien n’y fait. 

Alors, ce matin, après ‘Les filles du bord de mer’ Paul commence This is the end… Johnny  lève la tête… muet… il  semble chercher la suite en regardant ses chaussures.  Le coup de masse lui  fracasse l’arrière de la tête et le jette à terre.  Paul s’approche et lui murmure : This is the end beautiful friend the end This is the end My only friend the end Of our Elaborate plans the end Of everything that stands the end No safety or surprise the end...


jeudi 23 septembre 2010

J'aime les femmes qui ont un long nez




Hier soir, j’ai retrouvé les infirmières du livre.  Ces charmantes dames descendent chaque année sur la ville pour proposer des livres.  Des livres édités par de petits éditeurs indépendants.  Des livres qui n’ont pas trouvé acheteur dans les librairies, malmenés qu’ils ont été par les Houellebecq, les Lévy, les Gavalda et autres blockbusters éditoriaux. Des livres de Alejandro Jodorowsky, Lawrence Ferlenghetti, Daniel De Brucker, entre autres.  Plutôt que de les laisser partir au pilon, le cimetière des livres, de douces dingottes revêtent leurs habits de  sauvetage et s’en vont les bras chargés de vers, de nouvelles, de romans, d’essais, essayer une dernière fois de convaincre de les sauver.  Elles s’installent ainsi, entourées de quelques body-guards, à divers endroits et interpellent les passants, les attablés, les terrassés, les distraits, et leur propose d’emmener avec eux, pour la somme qu’ils décideront, un, deux ou plus de livres.  Joyeux foutoir.  Belles rencontres. Beau clash parfois « Je ne lis plus, tourner les pages me fatigue ».  Ce midi, elles ont été déposer des livres dans les prisons bruxelloises. Demain, elles seront au Parvis de Saint-Gilles, devant la Maison du Peuple.  Allez-y.  Besoin de plus d’informations, allez voir ici, et vous saurez tout : http://www.maelstromreevolution.org/pages/FRA/evento.asp?ArticoliID=263

Et puis, surtout, bonne lecture.


mardi 21 septembre 2010

Les Zéros pointés

Honnêtement, c’est pénible de lire les journaux.  Ils parlent des mêmes choses quasiment aux mêmes pages et presque de la même manière, Et ils disent à peu près la même chose que ce que l’on a entendu un peu plus tôt à la radio.  Et pourtant, je continue de les acheter. Et de les lire. Enfin, de moins en moins, les dessins, l’horoscope et quelques titres.  Et puis, je pars à la recherche des zéros pointés.  Les zéros pointés, ce sont ceux qui en racontent de bien bonnes.  D’accord d’accord, cela nous arrive à tous, mais les zéros pointés eux, ils assument. 

Dans le Soir d’aujourd’hui, il y avait Robert Collignon, ex-ministre-président wallon qui a décidé de donner son nom au Hall des Sports de Amay : « Je trouve que c’est légitime en fonction de mes efforts et de mon travail de bourgmestre.  Et j’ai voulu le faire moi-même car j’ai pensé que mes successeurs seraient ingrats et ne le feraient pas. »

Et puis, il y avait Jacques de Toeuf (Directeur général médical du Chirec et ancien responsable de l’Absym, syndicat des médecins) qui répondait à une question sur la pénurie de médecins, lui pense surtout que beaucoup de généralistes n’en font pas assez ou n’ont pas assez de patients : «  (…) Alors, j’entends que la profession s’est féminisée, que les dames veulent, paraît-il, moins travailler, que l’on privilégie, sa vie personnelle, sa famille et ses loisirs plutôt que le boulot… C’est bien joli mais la médecine, ce n’est pas une activité « Tupperware » : on ne vend pas des boîtes en plastique quand on en a envie le mercredi après-midi (…) »

Je crois qu'il n'y a rien à ajouter.


dimanche 19 septembre 2010

Au Berger



Rue du Berger, il y a l’Hôtel du Berger. J’ai découvert ces lieux par la radio.  Dans « La quatrième dimension »   Stéphane Dupont avait réalisé un des ces reportages improbables dont il a la recette.   Le Berger est l’un des plus anciens lieux de rendez-vous de Bruxelles, un lieu où se retrouvent les amants occasionnels et réguliers.  Les gérants racontaient, souvent avec complicité, le quotidien de ces femmes et de ces hommes qui venaient pour une heure ou plus partager amour, tendresse et parfois projets.  

Un matin ensoleillé d’octobre, nous sommes entrés à l’hôtel du Berger.  Nous avions prétexté je ne sais quoi, mais nous n’étions pas là où nous le devions, ni avec qui nous le devions.  C’était notre première fois. Nous n’avions rien trouvé de mieux, mais nous n’avions nulle part ailleurs où aller.  J’étais confiant, car j’avais en tête ce qu’avaient raconté les personnes que nous allions rencontrer. Magie de la radio quand elle est bien faite. Nous y étions resté plusieurs heures.  Le lieu était à nous.  Je ne sais pas s’il y avait d’autres amoureux dans les autres chambres, si oui, ils étaient discrets.

Nous y sommes retournés quelques fois.  Sonner. Prendre l’ascenseur jusqu’au premier. L’accueil était le même.  Madame nous attendait.  Elle nous conduisait à notre chambre. Elle nous demandait si nous voulions boire quelque chose.  Elle me glissait un assortiment de préservatifs dans la main. Puis, une fois empoché l’argent, elle disparaissait.  Peu à peu, nous avons espacé nos rendez-vous à l’hôtel du Berger.  Nous nous sommes vus ailleurs, pas longtemps, et cela a cessé. Amour. Tendresse. Pas de projets.

Hier, en route pour la rue Mercelis, j’ai décidé de faire un détour et passer revoir l’hôtel du Berger.  C’est fermé.  Il est écrit que des transformations sont en cours. Un regard aux étages m’a fait comprendre que ce ne sera jamais plus la même chose.  Plus loin, plusieurs studios affichent leur misère sexuelle. On disait hôtel de charme, aujourd’hui, on dit studio.


vendredi 17 septembre 2010

Comment lui dire

J’en étais à la deuxième page du journal quand je l’ai vue monter dans la rame de métro.  J’ai une connaissance approximative de la mode féminine, mais je me suis vite rendu compte que l’ouverture de son chemisier n’était pas une nouvelle tendance vestimentaire.  Je regarde et je ne sais pas quoi faire.  Elle est à deux mètres. En faisant passer son jeune fils d’un bras à l’autre, elle permet même que je jette un regard, furtif mais néanmoins assuré, d’un bonnet à l’autre.  J’en étais toujours à la page deux, mélangeant de plus en plus noms d’archevêques et balconnets de dentelle.  Comment lui dire ?  C’est à chaque fois la même chose.  Je n’ai jamais été doué pour les grandes révélations, et je ne voyais vraiment pas comment lui annoncer, le plus discrètement possible qu’il y avait ... comment dire un petit problème.  J’ai pris un peu d’air, ai plié mon journal et allait prononcer les premiers mots quand j’ai vu qu’elle me regardait et me faisait de légers signes du menton.  Je ne comprenais pas.  Elle continuait en avançant un peu plus son menton, en grimaçant légèrement et en articulant quelque chose, sans n’émettre aucun son, que j’essayais de comprendre... Vo...e brague...t.. Quoi ma braguett.... Je baissais les yeux, et.... le temps de me retourner pour fermer la boutique, elle était descendue.






mercredi 15 septembre 2010

Ouille, mes aïeuls...



Combien de personnes font des recherches sérieuses sur leur passé? Vous le savez-vous ?  Beaucoup, sans doute.  Dont moi.  Enfin, pour moi, cela a fait long feu.  J’ai failli, dans tous les sens du terme. J’aurai essayé. C’est mieux que rien.  Cela a donc commencé comme ça.




Bruxelles, le 27 ... 2010


SA Eugène et Alogie
Rue du destin, 7
5249 L’Arbre





Cher Monsieur Bortolini,


Voici les résultats de nos recherches concernant vos aïeuls et autres grands-parents.  Autant vous l’ annoncer de ce pas et illico, nous n’avons rien trouvé, absolument rien. 

Il faut bien reconnaître ce qui doit l’être, vous ne nous avez pas vraiment facilité la tâche.  Je dirais même plus, vous nous avez franchement compliqué la vie. Car enfin quoi votre, et je vous cite, « Je souhaiterais en savoir davantage sur mes arrières-grands-parents dont je ne sais rien » était somme toute assez vague.  Bien sûr, vous nous avez donné quelques indications sur vos grands-parents, mais vous savez, et si vous ne le savez pas, nous nous faisons un devoir et un plaisir  de vous l’apprendre, en matière de généalogie plus on remonte dans l’arbre plus les branches sont hautes et difficiles à atteindre.  Et de fait, nous n’avons rien atteint du tout ; et ce n’est pas votre vague « Ma grand-mère maternelle est née à Lille, elle s’appelait Louise De Rogez et sa mère était hollandaise » qui nous a facilité la grimpette.  Et ne parlons pas de votre famille italienne qui semble surtout avoir été autrichienne ou peut-être slovène pour une partie et peut-être des Pouilles mais sans certitude pour l’autre.  Et nous ne vous parlons même pas de votre grand-père maternel qui sinon se prénommer Lambert ne semble avoir aucune substance.

Voilà, Cher Monsieur Bortolini, l’essentiel de ce que nous tenions à vous dire.  Nous vous joignons nos honoraires, comme convenu.  Elles vous paraîtront certainement élevées au vu des résultats obtenus, mais nous pouvons vous assurer que nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir et dans nos capacités pour vous aider à en connaître plus sur vos aïeux et autres grands-parents.  Mais que voulez-vous, à partir de rien on n’a jamais obtenu grand chose.  Nous l’avons expérimenté une fois de plus.

Vos dévoués,


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Me voilà bien... Que faire face à un tel désastre ?  Je m’étais fait une joie de pouvoir réunir toutes ces informations pour rendre mon histoire plus complète, plus pleine et en faire une histoire commune et collective avec mes enfants et ce qu’il me reste de famille.  J’avais imaginé une galerie de portraits bien encadrés avec en guise de légende la vie, l’histoire de la vie de mes arrières-grands-parents.  Des portraits qui auraient pu nous éclairer sur notre passé, notre présent et éventuellement notre avenir... Et voilà qu’en guise d’histoires à raconter, c’est le néant.  Ou pire, la conscience du néant.  Je n’ai rien.  Il n’y a rien.  Ma vie s’arrête au début du siècle passé avec la naissance de mes grands-parents.  Plus loin ou plus avant ou plus haut ; quelle formule choisir ?; il n’y a rien.  Et en tout cas, je ne sais rien, c’est donc tout comme.

Alors... Peut-être, sans doute, faut-il se résoudre à ne pas savoir, à se contenter d’avoir une généalogie d’arbuste.  Je ne sais pas.  En tout cas, je ne me sens nullement attristé.  Je sais plus ou moins d’où je viens.  De quel milieu, de quelle culture, de quelles joies, de quelles tristesses, de quelles peines... Ce que je ne sais pas, je l’invente, souvent.  Personne, je crois, ne pourra me dire que j’ai tort ou encore que je mens.  Je peux décider que mon arrière-grand-père maternel aimait le souffle du vent dans ses cheveux.  Ou que mon arrière-grand-mère paternelle n’a jamais aimé les navets.  Ce ne sont pas des informations essentielles... pourtant elles disent beaucoup de ces personnes.  Alors, il m’arrive d’inventer pour combler les vides, pour remplir les manques.  Ce n’est pas toujours nécessaire, mais parfois cela m’est utile.  Je m’en remets à l’un ou à l’autre de ces hypothétiques ancêtres et, selon, cela m’aide ou me laisse perplexe.  Aujourd’hui, avec cette certitude de ne pas trouver, ou de ne pas vouloir chercher plus loin que le bout du siècle passé, je sens que je peux aller de l’avant.  Je veux dire que je sens que ne pas savoir n’empêche jamais de comprendre, alors que ne pas comprendre empêche de savoir.  Je ne sais donc pas grand chose, mais cela suffit.  Cela me suffit. Pour commencer.



lundi 13 septembre 2010

Des hauts et des bas





L’autre matin, je devais aller parler dans le poste. C’est nouveau. Une chronique qu’on m’a dit de faire.  Sur quoi ? J’ai su tard, mais j’ai su. Pour une première, on peut dire que j’étais gâté... Les islams européens. L’islam... je me suis dit qu’à tous les coups il allait falloir que je parle chiffon, bout de tissu, vêtement... foulard quoi... Je me suis dit que je n’avais pas vraiment le choix... Mais non, pas encore le foulard ! Pas question de le tourner et le retourner encore une fois dans tous les sens possibles et imaginables... Alors, j’y suis allé franco... niqab, burqa, hijab, tchador, voile, foulard... Voilà c’était dit, fini, on en parlerait plus... Je veux bien parler fringue, mais training... ou survêtement (ou survet) en fonction de qui le porte.

Si je vous demande comment sont habillés les jeunes gars des quartiers, vous me direz, sans doute, training, chaussettes blanches et chaussures de sport. Et vous aurez raison.  Mais en partie seulement, car on ne voit, chez eux, que le bas du training..., le haut, chez ces jeunes gars, c’est une veste à capuche ou un blouson de cuir.  Mais alors, il est où le dessus du training ?

Le dessus du training, il est porté par d’autres.  Ceux qu’on appelle « bobos », jeunes ou pas, garçons ou pas, avec lunette de designer allemand ou pas.   Il y a ainsi une catégorie de personnes qui ne portent que le haut du training. Pas les mêmes hauts, pas des mêmes couleurs. Pantalon bleu foncé ou noir ligné de blanc sur le côté pour les uns. Jaune, rouge, vert flashy ou bleu ciel ligné sur les bras pour les autres.

Chacun est reconnaissable.  C’est le but finalement.  Se reconnaître et s’accepter.  Les uns passent pour clowns. Les autres pour branchés.  On va à l’école en pantalon de training et on passe pour un looser. On va travailler en veste de training et on passe pour un créatif qui ose.  Les uns sont Nike les autres pas.  Ah la mode ...

Apparemment, impossible de combiner le bas et le haut.  Pourtant, de plus en plus, les bas et hauts de training se retrouvent dans les mêmes quartiers.  Des ateliers abandonnés sont transformés en lofts et sont habités par les hauts de training qui prennent peu à peu possession des quartiers où vivent les bas de training.  On se regarde. On se jauge. On ne partage pas le même monde.  On fait parfois affaire autour de certains produits, alimentaires ou non. Pas plus. En tout cas, on ne change pas de tenue.

Le vêtement, quel qu’il soit, sert à se positionner, à marquer son appartenance et son territoire.  Il y a le vêtement qui sera valorisé et celui qui sera stigmatisé.  Alors, un petit effort les gars... achetez et portez des haut de training... c’est pas compliqué quand même !! Sinon, vous allez encore dire qu’on vous en veut... Mais non, mais habillez-vous comme il le faut bon sang !!  Voilà, je n’aurai pas parler du foulard... quoi que...








samedi 11 septembre 2010

Analphabète







Mercredi dernier, c’était la journée internationale de l’alphabétisation. C’est ce que j’ai lu dans les journaux. Cela m’a ramené il y a plus de 40 ans d’ici.  Je suis à la maison.  Avec maman. Je devais être malade.  Ou c’était congé.  Ou c’était les vacances. Je ne sais plus, mais je n’étais pas à l’école.  On sonne. Maman va ouvrir. Une dame se présente et dit qu’elle a quelque chose à proposer à maman. Elle entre me dit bonjour. Maman s’affaire. Elle lui sert un café. Puis, elle sort des biscuits. On sait recevoir chez nous.  Pendant ce temps, la visiteuse sort une série de magazines.  Voilà Madame ce que je vous propose, Femmes d’aujourd’hui, le magazine pour les femmes d’aujourd’hui. Elle a le sens de la formule, en tout cas, je m’en souviens encore. Elle feuillette.  Elle explique. Les recettes de cuisine. Les témoignages. Les petits trucs pour le ménage. Etc. Maman regarde la vendeuse.  Elle feuillette. Elle dit qu’elle n’a pas ses lunettes quand la dame lui commente un article intéressant. Dis qu’elle n’a pas le temps, quand elle lui dit qu’elle pourra occuper son temps libre intelligemment.  J’observe sans bien comprendre.  Cela va durer le temps de deux tasses de café et de quelques autres biscuits.  Maman dit oui.  Elle demande deux fois où signer.  Elle s’applique.  Voilà, vous êtes abonnée pour un an. Je vous félicite. La dame s’en va.  Maman ne dit rien et range les magazines dans une armoire.  Je ne comprenais pas.  Maman ne savait pas lire.  Je ne comprenais pas pourquoi elle avait acheté ces magazines.  Je ne demandais rien.  J’ai mis du temps à comprendre que c’était la honte qui l’avait fait se taire.  Elle n’avait pas oser dire à cette femme de s’en aller, que cela ne l’intéressait pas parce qu’elle ne savait pas lire.  Plus tard, j’ai pris conscience de la violence qui était présente. J’ai pris conscience de ce que cela avait du être de devoir esquiver, de faire comme si.  Et je me suis dit que cette femme savait que maman ne savait pas lire, mais qu’elle s’en fichait.  Plus tard encore, j’ai lu ‘L’invention de l’illettrisme’ de Bernard Lahire ( http://www.dailymotion.com/video/x1hmy9_lahire-illettrisme_news.)  Il montre bien comment un discours culpabilisant et dénigrant a été construit concernant les personnes qui ne savent ni lire ni écrire.  La littérature n’étant pas en reste avec, entre autres, ‘L’analphabète’ de Ruth Rendell ou ‘Le liseur’ de Bernard Schlick, où des femmes analphabètes deviennent criminelles du fait de leur ‘handicap’.
Je crois que si, ce jour-là, ma mère avait décidé de tuer cette femme, j'aurais aidé à cacher le corps.



jeudi 9 septembre 2010

Le cadenas

J’y vais depuis longtemps. Les sandwiches y sont excellents. Il est tard, nous sommes peu nombreux.  Un homme parle à une serveuse. Il lui dit que cela fait longtemps qu’il n’est pas venu. Il interroge. Celle-ci est-elle toujours là ? Et telle autre ? Et le patron ? Elle répond que c’est le fils qui a repris l’affaire, mais qu’il est en vacances. Elle ajoute que maintenant, il y a un directeur.  Un directeur ? Dans une sandwicherie ? Je lève les yeux du journal. Je me souviens vaguement d’un homme, rondouillet, mi-klachkop, toujours occupé à chewingommer et de sourire.  Je ne comprenais pas ce qu’il faisait là.  C’est donc le directeur… Cela doit signifier qu’il surveille que les assiettes arrivent au bon endroit, repartent quand il le faut et qu’il sermonne l’une, puis l’autre au choix.  Avant, celles qui y travaillaient s’arrangeaient. A l’ancienne et à l’ancienneté.  Le patron était là, qui regardait et aidait.  Il n’y avait jamais eu de directeur. A quoi cela peut-il bien servir? Je repense à ce cliché. A quoi sert ce cadenas ? Qui rassure-t-il ? Qu’empêche-t-il ?  D’emporter les portes ? D’abîmer les murs ?